jeudi 23 février 2012

L'Observatoire de Mahamasina à Ambohidempona


Le récent passage de « Giovanna », nous amène à évoquer l'origine du service météorologique de Madagascar. Lors­que la mort de Jean Laborde en 1878 vient interrompre la série des observations météorologiques qu'il poursuivait depuis quelques années, le gouvernement français s'inquiète. Et cédant aux instances de l'explorateur Alfred Grandi­dier, la Mission catholique accepte de prendre cette succession onéreuse.
Dès sa fondation, l'Obser­vatoire passe pour un mystérieux endroit où, dans l'obscurité des nuits, un prêtre regarde on ne sait trop quoi d'une grande lunette, à l'heure où les honnêtes gens sont couchés et où seuls les « mpamosavy » (sorcières) et les « lolo » (fantômes) battent la campagne...
La petite station météorologique qui est annexée au presbytère de Mahamasina, est l'amorce d'un observatoire colonial. En prenant ses fonctions, le premier résident général de France, Le Myre de Vilers, « soucieux d'accroître le prestige de la France à la Cour de Tananarive », veut pousser activement les travaux de la carte de l'Imerina entreprise depuis 1872 par le père Roblet. Mais pour la finir, il faut un astronome et des instruments; astronome qui pourrait en même temps fournir à Antananarivo « une heure officielle moins imprécise que celle des pauvres cadrans solaires dont on se contentait jusqu'alors faute de mieux ».
L'idée d'une fondation missionnaire purement scientifique est doublement acceptée par le gouvernement de la reine et la résidence générale française. Le père Colin est ainsi désigné en 1887 pour fonder l'Observatoire royal de Tana­narive. Pourvu au départ d'un important matériel provenant de dons et de collectes et ayant obtenu de Rainilaiari­vony l'emplacement d'Ambohi­dempona, le père Colin « s'improvisa bâtisseur sur des plans dessinés par un architecte parisien ». Il faut dire que la construction avec sa façade de 32m, ses quatre tours rondes et ses coupoles métalliques a vraiment fière allure.
Les observations météorologiques, l'étude des cyclones tropicaux et du magnétisme terrestre « qui révèle localement des caprices singuliers », l'établissement d'une heure locale exacte, la fixation de coordonnées géographiques irréprochables, les travaux de géodésie et de triangulation jusqu'à l'océan Indien sont autant de travaux considérables que Colin assume seul et mène à bien. Mais en 1893, son état de santé l'oblige à rentrer en France où Roblet l'appelle au ministère de la Guerre « pour mettre au net leurs notes de géodésie et préparer l'impression de la carte de l'Imerina qui servira au corps expéditionnaire ».
Ses élèves malgaches poursuivent le travail scientifique et, grâce aux chiffres édités annuellement depuis 1890, des échanges se font avec des organisations scientifiques étrangères où « le nom de Tananarive représente désormais quelque chose ». Ceci jusqu'au 18 septembre 1895 quand le Premier ministre « cédant à la pression d'exaltés ou de pillards » ordonne la démolition de l'Observatoire royal « sous un prétexte de nécessités militaires ».
Mais pour mettre sa responsabilité personnelle à couvert vis-à-vis de la France, « il a pris la précaution de faire en sous-main évacuer au préalable tout le matériel scientifique » rassemblé en lieu sûr. Les pillards n'y trouvent plus grand-chose! Le 30 septembre, l'attaque des troupes françaises s'opère par le versant Est et les murailles béantes de l'Observatoire y récoltent quelques blessures supplémentaires par obus. L'Obser­vatoire royal n'existe plus, mais chaque officier français a dans sa sacoche les cartes de l'Imerina « dressées par les pères Roblet et Colin, éditées par Alfred Grandidier et par le Service géographique de l'Armée et qui vont rendre grand service pendant la période dite de pacification ».
Ce n'est qu'en 1818 que le fondateur Colin peut revenir à Ambophidempona et commencer la réédification, pièce par pièce, à ses frais, d'un nouvel Obser­vatoire, qu'il ne peut pourtant pas rétablir comme l'ancien trop coûteux. Réédification très utile d'autant que le Service astronomique a plus de clients et que la Météo va devenir une tâche de premier plan, car les études faites à l'occasion des cyclones de 1892-93 font entrevoir la possibilité d'organiser un service d'avertissement des tempêtes. Sans oublier les anomalies magnétiques de l'île qui suscitent la curiosité des spécialistes.
À peine un embryon d'Obser­vatoire installé, que déjà Gallieni lui impose un supplément de programme: des tremblements de terre émeuvent la population en 1897 et 1898 et la Colonie achète, vaille que vaille, un petit sismographe confié au père Colin. Puis les cyclones reviennent au premier plan et en 1903, un service d'avertissement télégraphique des tempêtes est instauré et prend vite une importance saisonnière... Depuis cette époque, Madagascar est aussi un point stratégique important dans les réseaux d'études du magnétisme terrestre et des secousses séismiques et ses contributions permettent de mieux identifier les points faibles de la croûte terrestre dissimulés sous les eaux de l'océan Indien et du canal de Mozambique.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire