mardi 10 janvier 2012

Des digues de près de 400 ans en Imerina


Les premières digues qui entourent la Ville des Mille datent du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle, sous le règne d'Andriantsitakatran­driana (1630-1650 environ), sixième roi de l'Imerina depuis Rafohy, sous celui d'Andriamasinavalona (1675-1710) et sous celui d'Andrianam­poinimerina (né en 1745 et tournant le dos en 1810).
Selon la tradition, Andriantsitakatran­driana consacre son règne à encourager l'agriculture. Il lance alors un défi à ses deux fils- l'aîné seigneur de Tsimilefa à l'ouest de Soanierana et le cadet, celui d'Alasora- comme quoi celui qui maîtrisera l'eau, lui succèdera. Lorsque vient la nuit, tout Alasora travaille d'arrache-pied à l'aide de bois et de terre et quand tout est terminé, le maître du fief prévient son père. C'est ainsi qu'Andriantsi­mitoviaminandriandehibe règne sur l'Imerina vers 1650-1675.
Plus tard, son fils Andriamasi­navalona décide de poursuivre cette œuvre « pour nourrir son peuple », son premier souci étant d'intensifier l'agriculture. Aussi agrandit-il les digues-limites du Betsimitatatra jusqu'à Ilanivato, notamment autour d'Alasora par la construction de la digue appelée Vahilava. La tradition raconte que pour encourager son peuple à construire cette digue, Andria­masi­navalona et son sage conseiller Andriamam­pandry jouent la comédie: le premier annonce au cours d'un Kabary (réunion) public à Andohalo que le peuple doit être rassasié, à quoi répond son conseiller: « Nous ne le pouvons pas ». Le roi doit alors le battre pour ces paroles de refus et le peuple s'interpose en promettant de tout faire pour augmenter la production rizicole.
C'est ainsi que débute la construction de Vahilava à Ambohitrandriananahary, passant par Antanjonandriana jusqu'à Andriantany et ce, pour gagner de nouvelles rizières sur le Betsimitatatra.
Près d'un siècle plus tard, deux objectifs poussent Andrianampoinimerina quand, à son tour, il édicte la création de digues dans l'Imerina réuni. D'une part, aménager de nouvelles rizières et les protéger des fortes crues saisonnières, d'autre part, constituer des frontières entre les six territoires pour que leurs populations n'empiètent sur ceux de leurs voisins.
« Le devoir de l'État ne consiste qu'en des travaux qui rendent la terre productrice puisque c'est là la façon d'assurer le bien-être de la population- le riz et moi ne faisons qu'un », aime-t-il à répéter. Pour Andria­nampoinimerina, la paix étant instaurée dans son royaume, il est temps de penser au bonheur de son peuple en menant une guerre contre la faim.
C'est au cours d'un grand Kabary comme à son habitude qu'il en donne l'ordre d'exécution après explications et délibérations. « Les digues seront cons­truites parce que l'eau non maitrisée est mon ennemie et pour que mon peuple soit repu ». Maitrise de l'eau par l'établissement d'un grand réseau d'irrigations dont tous doivent bénéficier, qu'ils aient une grande ou une petite rizière. « Quiconque compte détourner l'eau à son profit, sera sévèrement puni ».
Les digues créées sous Andrianam­poi­nimerina sont appelées Lavatehezana. Chaque territoire et à l'intérieur du territoire, chaque fokonolona ont leurs digues à construire et à préserver. À chaque fois qu'une digue est élevée, assez résistante pour affronter les intempéries, le roi offre des zébus à raison d'un pour dix hommes. C'est aussi l'occasion pour tous les Merina, en présence du roi, de renforcer le Vahilava bâti par son illustre ancêtre.
En tant que limites territoriales, ces digues sont grosso modo le Vahilava qui sépare l'Avaradrano du Vakinisisaony à l'est (de Tanjombato à Vakiniadiana-Mantasoa), l'Antenina entre le Vakinisisaony et l'Ambodi­rano à l'ouest, le Vakinitoalaza entre l'Avara­drano et le Marovatana, le Kelilalina entre le Vonizongo et le Marovatana, l'Ampita­tafika et l'Antongona entre l'Ambodirano et le Maro­vatana. Il y a aussi celles entre l'Ambodirano et le Vakinankaratra au Sud, celles sur la rivière Ambatotsipihina... À noter que dans le Vakinankaratra, une digue-frontière est aussi construite entre Antsirabe et Betafo.
À cela s'ajoutent les diguettes telles celles à l'intérieur de l'Avaradrano comme Jabo et Sahasarotra chez les Tsimahafotsy, Mamba et Andrano­nahoatra chez les Tsimiamboholahy, Maromanitra et Mananara dans le Mandia­vato, et chez les Voromahery, Andranolava au centre du Betsimitatatra d'Isotry et Andava­mamba à Andrano­mena et Soavimasoandro.

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