dimanche 18 décembre 2011

Massif volcanique de l'Itasy


Situé à 70 km environ à l'Ouest-Sud-Ouest de Tananarive, le massif volcanique de l'Itasy est, comme la chaîne des puys dans le Massif Central français, un véritable musée de formes volcaniques simples. Des cônes de scories avec leurs coulées, des dômes trachytiques, des cratères d'explosion, souvent encore dans un état de fraîcheur remarquable, y ont proliféré sur une superficie d'environ 400 km2, pour le plus grand plaisir des touristes et des vulcanologues.
Ce groupement de volcans s'allonge sur 30 km environ du Nord au Sud. Il est séparé par une vingtaine de kilomètres de l'important massif volcanique de l'Ankaratra, qui culmine à 2 644 m au Tsifajavona (troisième sommet de Madagascar après le Tsaratanana : 2 879 m et l'Andringitra : 2 666 m).
L'Ankaratra représente la partie la plus ancienne de ce grand complexe volcanique des hautes terres centrales malgaches ; construit à la fin du Tertiaire, il est aujourd'hui largement démantelé par l'érosion. Les volcans de l'Itasy correspondent, avec les puys de la région de Betafo-Antsirabe qui
leur font pendant au Sud, aux toutes dernières manifestations volcaniques de ce grand ensemble.


Esquisse de carte géomorphologique du massif volcanique de l'Itasy.
1, Socle cristallin. — 2, Coulées récentes de basanites et d'ordanchites (cheires). — 3, Coulée hawaïenne trachytique et l'Andranonatoa. — 4, Projections et coulées de basanites et d'ordanchites indifférenciées. — 5, Dôme péléen (trachytes). — 6, Cône strombolien. ■ — 7, Cratère d'explosion ultravulcanien. — 8, Cratère d'explosion ultravulcanien probable. — 9, Brèches ultravulcaniennes. — 10, Poudingue lacustre de Moratsiazo. — 11, Lac de barrage. — 12, Entaille fluviatile post-volcanique en gorge. — 13, Marécages. — 14, Rizières. — 15, Gisement lacustre fossilifère d'Ampasimbazimba.

Les différents types d'appareils
- Les puys et leurs coulées
Aux manifestations volcaniques de caractère strombolien on doit un grand nombre de cônes de scories, ou puys, aux formes souvent parfaitement fraîches, dans la plupart des cas dissymétriques ou égueulés. On en compte une soixantaine dans l'ensemble du massif qui sont encore bien conservés, et reconnaissables aisément sur les photographies aériennes de l'I.G.N. Il y en a sans doute eu davantage, les appareils les plus anciens n'étant plus actuellement identifiables. Ces puys, constitués par des matériaux projetés, lapilli, cendres, plus rarement blocs ou bombes, ont été à l'origine des principales coulées, la plupart de basanites, certaines d'ordanchites. A ce type appartiennent le Kitombolo et l'Ambohitritamerma, dont les coulées ont barré la vallée de la rivière Kitombolo, tout au Nord du massif ; le groupe des puys situés au Nord d'Analavory, dont les émissions
coalescentes ont constitué la vaste coulée de Tsarazaza, actuellement traversée en gorges par la rivière Mazy ; les puys de la Lily, au nombre d'une dizaine, dont les coulées successives et emboîtées ont été péniblement entaillées par la rivière Lily, déversoir du lac Itasy ; le Kassigie, le plus majestueux
des cônes stromboliens, dont la vaste coulée d'ordanchites est venue buter, au Nord-Est, contre les hauteurs de Manjakaraivoanasina dans le socle cristallin ; enfin les nombreux puys des environs de Soavinandriana : le Matiankanina dont la coulée s'est avancée vers le Nord en suivant une dépres
sionp réexistante dans le socle cristallin ; l'Ambohimalala, perché sur une butte de gneiss ; le Tsifajavona ; l'Ambohitrondry ; les puys de la Marofoza au Sud-Est de Soavinandriana.
Ces appareils ne sont jamais bien hauts ; ils dépassent rarement une soixantaine de mètres de hauteur. Les plus importants, le Kassigie et l'Ambohitrondry, n'ont respectivement que 210 m et 140 m de hauteur relative.
Si certains puys paraissent souvent présenter des dénivellations supérieures, c'est parce qu'ils sont perchés sur des reliefs prévolcaniques dans le socle cristallin.
Les pentes des cônes sont comprises entre 25 et 30°, ce qui correspond plus ou moins à la pente d'équilibre des matériaux de projection qui les constituent.
A. Lenoble a remarqué que les cônes de Г Itasy étaient presque tous dissymétriques et ébréchés vers le Sud-Est. Cette dissymétrie est expliquéepar l'action du vent dominant qui déjà, à l'époque des dernières éruptions de l'Itasy, devait venir de cette direction. En conséquence une retombée
plus importante des projections du côté sous le vent, c'est-à-dire sur le flanc Nord-Ouest, élevait ce versant plus rapidement. Les coulées les plus récentes dans les basanites et les ordanchites montrent
de magnifiques exemples de cheires. Certaines coulées portent des sols rouges d'altération, qui témoignent d'une certaine ancienneté. Mais d'autres, parmi les plus importantes, comme celles de Tsarazaza, du Kassigie, ou certaines coulées entaillées par la Lily, semblent dater d'hier. La coulée émise par le Kassigie présente les caractères des laves « en gratons », dont elle a gardé toutes les aspérités. L'important complexe de coulées de Tsarazaza ne montre, dans certaines de ses parties, que le tout premier stade de la formation d'un sol et n'est colonisé, entre les blocs scoriacés qui couvrent presque toute sa surface, que par quelques graminées. Sur la basse Lily on peut observer, dans le complexe des coulées étalées vers l'Ouest, divers stades d'altération, les coulées les plus fraîches paraissant ici aussi très récentes.

- Les dômes
Les dômes trachytiques sont au nombre d'une douzaine. Ce sont des édifices en général plus imposants que les puys, et dépassant la plupart du temps 200 m de hauteur relative. Ils sont groupés dans la partie centre-Est du massif, sur une bande allongée grossièrement SSE-NNO, correspondant peut-être à une direction de fracturation. Ces dômes sont constitués par un empilement de laves visqueuses, émises
par des bouches sans cratère. A l'exception de l'Andranonatoa, qui a subi une évolution complexe, et sera considéré à part, aucun de ces appareils n'a émis de coulées. Les caractères morphologiques et géologiques sont ceux d'édifices correspondant à un dynamisme péléen.
Les dômes les plus caractéristiques sont, du Nord au Sud, l'Ingilofotsy et le Betahezana, qui dominent Analavory, l'Andranonatoa, l'Angavo, l'Antsakarivo, le Kitia, FAmbohibe, l'Ampary et l'Ambohitraivo. Tous présentent des pentes en général plus fortes que celles des cônes de scories, et atteignant jusqu'à 55°. La pente diminue généralement vers le haut, certains des édifices présentant même une partie supérieure presque plate d'étendue notable, ce qui donne au Betahezana, par exemple, l'aspect d'une grosse galette plutôt que celui d'un dôme. Le pied des édifices disparaît sous un talus d'éboulis de gravité, en pente légèrement moins forte, de telle sorte que le profil. général présente une partie supérieure convexe, et une partie inférieure légèrement concave. Les blocs peuvent résulter de l'attaque du dôme par l'érosion, mais correspondent aussi, semble-t-il, à des éboulements contemporains du volcanisme, fréquents dans ce type d'éruptions, et qui se produisent au fur et à mesure du gonflement du dôme de lave.

- Les cratères d'explosion
Les éruptions ultravulcaniennes représentent, selon A. Lenoble, la période ultime des manifestations volcaniques dans l'Itasy. Ces éruptions ont été très différentes de celles qui ont édifié les cônes de scories et les dômes : leur caractère a été essentiellement explosif, sans qu'il y ait émission de laves. Au point de vue -morphologique, ces appareils présentent un cratère d'explosion, à parois toujours en pente forte, taillé à l'emporte-pièce non seulement dans les roches volcaniques antérieures à l'éruption mais aussi généralement dans les roches du socle sous-jacentes ; les abords du cratère sont parsemés de matériaux projetés qui constituent des brèches et des conglomérats volcaniques souvent à très gros éléments (parfois plus de 1 m3), comprenant des éléments paléogènes (trachytes, basaltes, basanites) et des éléments enallogènes (granite, gneiss, quartz, etc.), arrachés lors de l'explosionau socle sous-jacent. Ces matériaux grossiers de projection sont englobés
dans une pâte de couleur jaunâtre qui sous le binoculaire apparaît formée des mêmes éléments, et qui correspond sans doute à des projections plus fines sous la forme de cendres, contemporaines du volcanisme explosif, ou à des coulées de boue.
Alors que les cratères des puys ne contiennent que fort rarement un lac à cause de la perméabilité des cendres et des lapilli qui les constituent en majeure partie, les cratères d'explosion, dont le fond est entaillé dans les roches du socle, retiennent généralement un plan d'eau. On distingue assez
facilement sur les photographies aériennes verticales les lacs de cratère d'explosion d'une autre catégorie de lacs, celle des lacs de barrage, à leur taille tout d'abord, qui ne dépasse pas 300 à 500 m, à leur forme généralement arrondie qui épouse les contours du cratère, enfin à leurs rebords généralement abrupts.
Les cratères d'explosion les plus typiques sont l'Andranoratsy, le Kitia, l’Ingolimby, déjà décrits par A. Lenoble, ainsi que l'Antohomadinika. L'Andranoratsy entaille à la fois le socle, à l'Est, et un petit puy basanitique préexistant qui le domine à l'Ouest. Le lac ovale qu'il contient mesure environ 350 m de grande dimension. Les pentes du cratère sont comprises entre 40 et 55°, et dominent de 10 à 20 m le plan d'eau du lac. Les matériaux projetés encombrent les abords immédiats du cratère, sur une superficie d'environ 3 km2, mais on en trouve aussi, selon A. Lenoble, jusqu'à Analavory, à 3 km plus au Nord : ce sont surtout des blocs, certains de grande taille, de gneiss et de basanites, mais on y a reconnu aussi des roches qui ne viennent pas en affleurement dans la région (micaschistes à sillimanite ; grenatites ; parapyroxénites).
Le cratère de l'Antohomadinika, à 2 km environ au Sud-Est du précédent, entaille le flanc oriental du dôme de l'Angavo. On y retrouve les mêmes parois abruptes et, au fond, un lac parfaitement rond, de 200 m de diamètre. Ces deux cratères d'explosion semblent très récents : les lacs qu'ils con
tiennent occupent la totalité du fond des cratères, sans que l'on puisse distinguer même un début de comblement. Le cratère du Kitia est encore plus imposant par la taille, et par sa profondeur qui dépasse une centaine de mètres. Il s'est ouvert à mi-chemin entre deux dômes trachytiques, le Kitia, au Nord, et l'Ambohibe, au Sud.
Une grande quantité de blocs, comprenant des trachytes, des basanitoïdes, it des gneiss, ont été projetés sur ces deux dômes, tandis qu'une autre partie les projections tombait dans le lac Itasy voisin, où on les retrouve plus ou moins roulées dans un conglomérat signalé par A. Lacroix1. Contrairement aux précédents, le lac de cratère du Kitia a été à moitié comblé : le plan d'eau est repoussé au Sud-Est, tandis que la partie Nord-Ouest est occupée par un glacis d'épandage au débouché de ravines qui entaillent les pentes du cratère.
L'Ingolimby, dans la partie septentrionale du massif, peut être considéré comme un autre cratère d'explosion typique, avec brèches de projection associées.
L'Andranotoraha et l'Andranomaitso semblent pouvoir être rangés dans la même catégorie, si l'on en juge par leur aspect sur photographies aériennes ; mais nous n'avons visité ni l'un ni l'autre.
Le lac Ilempona a la forme parfaitement ronde d'un lac de cratère, mais il est entièrement dans les gneiss et on ne trouve à proximité aucune trace de projections, ce qui d'ailleurs n'exclut pas complètement l'hypothèse d'une origine volcanique, certaines éruptions ultravulcaniennes pouvant entraîner en effet une pulvérisation complète des débris. Le lac d'Ampefy et le lac Mahiatrondro sont à ranger aussi parmi les lacs d'origine douteuse, occupant peut-être l'emplacement d'un cratère ultravulcanien.

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